LES COULEURS DE LA ROBE CHEZ LE CHIEN
Par le professeur DENIS
La génétique des robes est une discipline encore mal connue par les éleveurs. Au travers de quelques exemples, le lecteur en comprendra le déterminisme.
La grande variété des robes chez le chien fait croire que le déterminisme génétique des couleurs de la robe est extrêmement complexe. En fait, c’est assez simple dans la plupart des cas. Ce court article va essayer de le montrer. Pour une information complète, envisageant la totalité des robes et des gènes connus, il conviendra de se reporter au fascicule « les couleurs de robes chez le chien » que la S.C.C. a fait paraître (auteur : Professeur Bernard Denis de l’École Vétérinaire de Nantes).
PRÉAMBULE
Le poil de l’animal sauvage, en particulier celui du loup, contient deux types de pigment : l’eumélanine, pigment sombre (noir à marron) plutôt concentré à la pointe du poil, et la phaeomélanine, pigment clair (rouge à jaune) plutôt présent à la base du poil.
Les nombreuses robes observées chez le chien sont la conséquence de mutations qui agissent dans trois directions ; élimination de l’un ou de l’autre des pigments, atténuation de l’intensité d’une ou plusieurs couleurs, extension ou régression des couleurs sur le corps.
Ces trois évolutions peuvent se combiner. Elles déterminent les grands types de robes que nous envisagerons en allant des plus simples aux plus compliquées. La présence de blanc dans la robe sera étudiée à la fin.
Précisons, avant de commencer, que huit groupes ou séries de gènes sont nécessaires pour déterminer la robe d’un chien. On les appelle séries A, B, C, D, E, G, M et S.
LES ROBES PRIMAIRES
Les robes primaires sont des robes dont tous les poils de couleur sont identiques.
Les robes à poils unicolores.
Les robes sombres.
Ce sont les robes noires ou marron. On ne voit donc que l’eumélanine. La robe marron correspond aussi aux appellations chocolat, foie et, parfois, châtaigne ou châtain. Les gènes en cause constituent la série B : « B » (B pour « Black »), dominant et « b », récessif. Dans une race où n’existe que le noir, tous les chiens sont porteurs du couple « B.B » ; s’il n’existe que le marron, tous les animaux sont « b.b ».
Dans une race où coexistent noir et marron on en déduit que :
– un chien noir peut être de type « B.B » ou « B.b » ; accouplé à une chienne noire, on n’obtiendra des chiots marron, en minorité, que si celle-ci est « B.b ».
– un chien marron est « b.b » ; il ne donnera des chiots marron qu’avec une chienne « b.b » (100 % de chiots marron) ou « B.b » (environ 50 % de chiots marron).
Le génotype d’un reproducteur noir peut donc être révélé par la couleur de robe des descendants. La recherche d’un ascendant marron est l’autre moyen de soupçonner qu’il possède un gène « b » ; si cet ascendant est père ou mère, la présence est certaine.
Ces quelques principes de génétique mendélienne, rappelés ici pour la série B, s’appliquent de la même façon aux séries de gènes à venir.
Les robes claires.
Ce sont toutes les robes qui vont du jaune au rouge (pigments phaeomélaniques). Elles correspondent à de nombreuses appellations, telles que froment, citron, doré ou golden, orange, châtain, acajou. En fait toutes ces robes peuvent être regroupées en une seule : la robe dite fauve.
Elles ont toutes en commun de posséder le génotype « e.e ». Celui-ci a la propriété d’effacer toute trace d’eumélanine, comme si les gènes « B » et « b » ne fonctionnaient pas. Le gène « e » est récessif et l’allèle dominant correspondant est « E » (E pour « extension de l’eumélanine ») ; tous les animaux qui ont du noir ou du marron dans la robe le possèdent et son soit « E.e », soit « E.E ».
Ensemble, les gènes de la série B et de la série E vont réaliser des génotypes à quatre gènes. Dans une race où coexistent noir, marron et fauve, un chien fauve peut être de génotype « B.B »-« e.e » ou « B. b »-« e.e » ou « b.b »-« e.e ». Si ne coexistent que le noir et le fauve, un chien fauve est « B.B »-« e.e ».
Enfin, comment expliquer de telles différences de tons entre les robes fauves ? Cela tient à l’existence de gènes dits modificateurs qui éclaircissent ou foncent la couleur. Ces gènes sont nombreux et peuvent se sélectionner de la même manière que ceux qui permettent d’augmenter ou de diminuer la taille.
Les robes diluées.
Il s’agit de couleurs bleue, beige et sable ; elles s’obtiennnent à partir des noire, marron et fauve. La dilution est le fait d’un gène appelé « d », soit d’un autre tout à fait différent appelé « Cch » (ch pour « chinchilla »). Tous deux sont récessifs, respectivement par rapport à « D » (D pour « Dilution) et « C » (C pour « Coloration), allèles dominants présents chez les chiens à robe noire, marron ou fauve.
Le bleu dont on parle n’a rien à voir avec la dénomination « bleu » qui correspond à un mélange de poils noirs et de poils noirs donnant, à distance, une apparence bleutée (ex. : le Bleu de Gascogne). Il faut aussi le distinguer du gris : le chien bleu l’est dès sa naissance et sa truffe est bleu-noir. On trouve le bleu chez le Whippet, par exemple. Le chien à robe bleue possède le couple de gènes « d.d » (le chien noir est « D.D » ou « D.d ») ; pour les gènes des séries B et E, il porte les mêmes qu’un chien noir.
Le beige est exactement au marron ce que le bleu est au noir. Le Braque de Weimar est beige.
Le sable va d’un fauve très pâle au blanc. Cette dilution peut, elle, être obtenue par deux voies : le chien est de génotype « Cch. Cch » ou « d.d ». Cela dépend des races ; en fait, le savoir n’a guère d’importance. Le degré d’éclaircissement dépend de gènes modificateurs que les animaux possèdent en plus ou moins grand nombre. Le Labrador biscuit ou ivoire et le samoyède sont des chiens sable. Pour les séries B et E, ces chiens portent les mêmes que les chiens fauves.
Les robes à poils bicolores.
Ces robes sont semblables au type sauvage : le poil est fauve ou sable à la base et foncé (noir, rarement marron) à l’extrémité. On parle de robes fauve charbonné ou sable charbonné. Elles sont appelées, entre autres, poil de sanglier, poil de lièvre, poivre et sel, gris fer, parfois grises simplement. Les races concernées sont nombreuses : Tervueren, Griffon Nivernais, Schnauzer, par exemple.
Une nouvelle série de gènes intervient ici : la série A (A pour « Agouti », rongeur américain). Les robes charbonnées sont déterminées par le gène « Ay » qui régit donc la répartition à peu près équilibrée de l’eumélanine et de la phaeomélanine sur le poil. Cette action vient compliquer celles des autres séries de gènes ; par exemple, outre « Ay », le chien sable charbonné de noir portera au moins un « B », au moins un « E » et « d.d » ou « Cch. Cch ».
Il faut savoir que le gène dominant dans la série A n’est pas « Ay ». Juste au-dessus de lui existe « As » qui donne le caractère uniforme aux robes sombres : un chien tout noir ou tout marron est ainsi porteur d’au moins u, gène « As ». Si ces chiens sont Homozygotes « As.As », leur descendance sera de robe sombre uniforme quel que soit le partenaire de l’accouplement.
LES ROBES DÉRIVÉES
Les robes dérivées comportent deux ou trois types de poils de couleurs différentes.
Les robes unicolores
L’apparence unicolore est due au mélange intime des types de poils.
La robe la plus répandue est la grise. C’est la seule qu’il convient d’appeler ainsi. Le chiot naît noir et devient gris en grandissant du fait de la pousse de poils blancs ; la truffe reste noire. Citons les exemples du Caniche gris ou du Bedlington terrier.
Plus rares sont les robes dites grège et aubère, respectivement mélanges de poils blancs et marron et de poils blancs et fauves.
L’arrivée de poils blancs est due à un gène « G » d’une nouvelle série, la série g (G pour « Grisonnement »). Ce gène qui provient d’une lointaine mutation est dominant par rapport au gène normal, originel « g » qui n’a pas d’action. Pour savoir ce que sont les gènes des autres séries, il faut se reporter simplement à la robe du chiot à la naissance, c’est-à-dire noire, marron ou fauve.
Les robes pluricolores.
Les robes pluricolores sont formées par la juxtaposition de plages de couleurs différentes, blanc exclus.
Les robes fauves ou sable à manteau sombre.
Ces robes sont très répandues : on se contentera de citer le Berger Allemand pour le fauve à manteau et le Malamute pour le sable à manteau. Le manteau sombre (de noir à charbonné, le marron existant aussi) peut être réduit à une petite selle sur le dos ou, au contraire, aller jusqu’à l’envahissement de presque tout le corps ; cette extension est, là encore, le fait de gènes modificateurs.
Proche de la robe fauve ou sable charbonné, la robe à manteau lui serait, selon certains auteurs, génétiquement identique. Retenons plutôt que le gène responsable, appartenant à la série A, lui aussi, est « Asa » (sa pour « saddle », selle en anglais). Du point de vue de la dominance, il se situe au même niveau que « Ay ».
Les robes sombres à marques fauves ou sable
Elles correspondent à la robe dite « noire et feu », telles que rencontrées en race Doberman. Ce type de robe se caractérise par ses marques feu de faible étendue, très précisément localisées : lèvres, joues, paupières, gorge, poitrine, pieds, devant des cuisses, fesses, anus. Ceci permet à peu près toujours la distinguer de certaines robes à manteau sombre très envahissant. De plus, les marques feu varient peu en étendue de la naissance à l’âge adulte.
Le gène responsable de la robe à marques feu appartient à la série A et s’appelle « at ». Il est récessif par rapport à tous les autres gènes de la série : tous les chiens présentant cette robe sont donc de génotype « at.at » ; ainsi, leur descendance, dans sa totalité, n’aura la même robe que si l’autre partenaire de l’accouplement porte celle-ci aussi.
La robe bringée et la robe à masque
Ces deux robes sont bien connues mais parfois difficiles à repérer quand les bringeures ou le masque sont discrets et que, de surcroît, le poil est long : il peut alors y avoir confusion avec une robe simplement charbonnée. Celle-ci n’est, par ailleurs, pas incompatible avec le masque alors que, normalement, le bringé s’impose au charbonné.
Génétiquement, l’origine de ces deux robes se situe dans la série E. La robe bringée est due au gène « Ebr », de même niveau de dominance que « E » ; le masque quant à lui, est dû au gène « Em », d’où la possibilité d’avoir des chiens à bringeures et masque : ils sont de génotype « Em.Ebr ». Bien sûr, « Em » et « Ebr » ne peuvent s’exprimer quand le chien porte « As » puisque la robe est uniformément sombre ! Ils peuvent le faire, en revanche, avec les autres gènes de la série A ; leur action est cependant discrète avec « at » (robe noire et feu).
Les robes bigarrées
Les robes bigarrées sont celles que l’on appelle Merle ou Arlequin. Leur particularité tient à l’existence de plages déchiquetées d’une certaine couleur sur un fond de la même couleur diluée : noir sur bleu, parfois marron sur beige, exceptionnellement fauve sur sable. Une dilution très forte allant jusqu’au blanc explique l’Arlequin.
Le gène responsable est le gène « M » de la série M qui domine le gène normal « m », sans action. Le génotype homozygote « MM » est connu pour être lié à des anomalies oculaires et auditives. L’action de « M » se superpose à l’action des gènes des autres séries.
LES ROBES PANACHÉES
Ce sont toutes les robes qui portent une panachure, c’est-à-dire des taches blanches. On les dit pie, aussi. Toutes les robes étudiées auparavant peuvent avoir une variante avec une panachure plus ou moins étendue.
Génétiquement, pour expliquer la présence de blanc, il suffit d’ajouter à l’action des gènes des séries précédentes celles des gènes de la série S. On en distingue quatre qui sont, par ordre de dominance décroissante « S » (absence de blanc), « si » (très peu de blanc), « sp » (équilibre des plages blanches et colorées), « sw » (blanc envahissant). Toutes les panachures intermédiaires entre ces quatre types sont possibles grâce à l’action de gènes modificateurs. En pratique cela veut dire que l’on peut sélectionner assez facilement une certaine proportion de blanc dans la robe, voire une certaine forme de tâches. À l’extrême, on peut sélectionner des chiens blancs à partir du génotype « sw. sw », comme cela s’est fait en race Coton de Tuléar.
CONCLUSION
Pour améliorer la qualité de la robe, il faut comprendre comment celle-ci est déterminée génétiquement. Pour cela il faut d’abord l’identifier exactement et la rattacher à l’un des types que nous venons de voir. Ceci n’est pas toujours aisé : des robes de génotypes apparemment différents ont le même génotype. L’étude et l’expérience permettront, petit à petit, de dominer la plupart des problèmes